Passion, expérience, compétences

Pour restaurer des Kawasaki 900 Z1, il faut de la passion…
Beaucoup de passion.

Question Z1, je suis tombé dedans quand j’étais petit.

Dès la présentation de la grosse Kawa, au Salon de Cologne en septembre 1972, je découpais les photos de la belle dans la revue Champion que mon père lui achetait chaque mois. Sur les murs de ma chambre, la Superbike d’Akashi rejoint bientôt les posters de François CEVERT et des Ford Capri RS 3000…

J’ai 13 ans. L’âge de prendre de grandes résolutions : c’est décidé, je vais  économiser pour acquérir ma Z1…

Il me faudra tout de même attendre cinq années et faire de multiples petits boulots en plus du Lycée, pour voir enfin mon rêve se réaliser : en septembre 1977, j’acquiers enfin ma première 900 Kawa achetée d’occasion du côté de St Rémy les Chevreuse.  Un léger détail, il me reste encore à passer mon permis de conduire…
Pour restaurer des 900 Z1, il faut de l’expérience.
Une grande expérience de ce modèle.

Depuis 1977, ce sont plus d’une centaine de Kawa Z1 qui sont passées entre mes mains.
Qu’il s’agisse des années 70, années d’études avec peu de moyens, des années 80, premières années salariées en tant qu’éducateur spécialisé (mon premier métier), des années 90 où je commence véritablement à collectionner les Kawa et enfin des années 2000, en tant que professionnel, j’ai toujours roulé Kawa, le plus souvent en Z1.

A la fin des seventies, ma 900 est équipée d’une bulle Hugon et d’un porte-bagage ; en semaine, elle me permet d’aller à la fac, quelle que soit la météo ; le vendredi soir : dépose du grand Hugon et direction Bastille puis Rungis avec les copains, histoire d’effectuer quelques tours de «circuit». Durant les vacances : les Alpes pour les belles routes de montagne, l’Italie pour le soleil et les plages, la Belgique pour rendre visite à la famille.

A l’époque, la 900 est bonne à tout faire : utilitaire la semaine, elle devient moto de course le vendredi soir, moto-chameau chargée à bloc pour les vacances… Et quand la moto ne suffit pas, j’emprunte la 4L familiale pour aller chercher un garde-boue court et un casque AGO de l’autre côté des Alpes…

Dans ces années 70, le trafic, le réseau routier est le reflet de son époque : on doit prendre garde aux radars cachés au bord des routes, mais on joue encore à cache-cache avec les motards … de la gendarmerie.

A partir des années 90, j’ai  commencé à collectionner les motos.
Pardon, les Z1.

A cette époque les motos des années 70 ne valent pas très cher. Paradoxalement, leur restauration est plus difficile qu’aujourd’hui, du fait de l’absence de pièces de refabrication.

Il est donc nécessaire de restaurer chaque pièce une à une, quitte à ressouder l’alu, recharger les pots, etc … En concession, quelques références d’époque sont encore disponibles : j’ai ainsi pu acquérir les derniers pots de Z 1000 et des amortisseurs, aujourd’hui introuvables en neuf !

Arrivent les années 2000 et la première édition du Moto Tour (2003), version moderne du Tour de France des années 70 ; c’est pour moi l’occasion de faire rouler mes propres machines de collection, cette fois en condition de course.

Sixième de l’édition 2003 (catégorie Classique) au guidon d’une Godier Genoud entièrement d’origine, je remporte l’édition suivante, toujours au guidon d’une Godier Genoud, cette fois sur vitaminée – à cette occasion je me  classe 29e au classement scratch (toutes catégories confondues), au milieu des R1, GSXR et autres Ducati modernes.

Pas mal pour une moto âgée de 25 ans … et un pilote de 45 !
Cette même année, j’engage une seconde moto sur base Rickman Kawasaki qui termine deuxième de la catégorie Classique.
L’année suivante, je cours sous les couleurs de l’Ecurie Godier Genoud Classic Compétition aux côtés de Jean-Paul BOINET, célèbre pilote de Grand Prix des années 70. Après de nombreuses péripéties, Jean-Paul remporte la catégorie, je me classe pour ma part 4e.

Au lendemain de cette victoire d’équipe, je décide de créer ma société, KB Compétition – K pour Kaluza, B pour Boinet et Compétition pour … toujours !
Depuis 2006, je me consacre à plein temps à la restauration des Kawa des années 70, qu’il s’agisse de modèles de série, de machines spéciales (Bimota, Egli, Moriwaki, Godier Genoud, etc …) ou de machines de course.

Quitte à m’y consacrer entièrement, autant le faire avec sérieux : avec pignon sur rue, en société, en établissant devis et factures, en garantissant mes machines 1 an pièces et main d’œuvre, en payant impôts, taxes et cotisations sociales… Dans tout ce que j’entreprends, j’essaie d’être un garçon sérieux.

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Pour restaurer des 900 Z1, il faut des compétences.

Au cours de l’année 2011, j’ai livré 23 Kawasaki 900 Z1 (ou Z1000), que j’ai restaurées – partiellement ou complètement. J’essaie de trouver des machines complètes et dans la mesure du possible roulantes. Je les démonte entièrement moi-même à leur arrivée à l’atelier. Je réalise un reportage photo complet, effectue un tri et une évaluation des pièces réutilisables.

J’envoie ensuite celles-ci chez chacun des sous-traitants spécialisés. La restauration complète d’une 900 Z1 demande l’intervention de pas moins de 18 professionnels aux compétences bien spécifiques :

  • Le soudeur doit vérifier l’état du cadre, le passer au marbre et le cas échéant le remettre en ligne. Il doit également vérifier la présence et le positionnement de toutes les pattes de fixation  (klaxon, clignotants, amortisseur de direction, etc…
  • le peintre industriel récupère ensuite le cadre pour le sabler, le mettre en peinture époxy  (avec le bras oscillant, les tés de fourche, le bac à batterie, etc …).
  • Le polisseur prend en charge les carters moteurs, le tambour AR, les fourreaux de fourche
  • le rayonneur s’occupe des roues (rayons et jantes neufs, moyeux existants)
Plusieurs mécaniciens spécialisés interviennent sur le moteur :

  • restauration culasse
  • réalésage bloc-cylindres
  • métrologie vilebrequin
  • remontage complet du moteur.

Les carburateurs sont confiés à un spécialiste qui a pour mission de les remettre en état de neuf (microbillage, passage aux ultra-sons, kits Keyster).

Les compteurs d’origine sont reconditionnés à neufs par un artisan spécialisé.

Sans cette équipe d’intervenants très pointus, il serait quasi impossible de restaurer sérieusement ces motos.

Il faut également prendre en compte que tout cela crée une micro-économie qui fait travailler ces sous-traitants dont les métiers pour certains d’entre eux, sont en voie de disparition.

Parallèlement, les pièces neuves ont été commandées au Japon :

  • carrosserie complète
  • échappement chromés
  • selle
  • garde-boue AV et AR
  • rayons et jantes
  • phare, feu AR
  • commodos
  • guidon, poignées, leviers, arceau de maintien
  • repose-pieds pilote et passager
  • etc …

Le budget de l’ensemble de ces pièces neuves refabriquées au Japon constitue 50 % du prix de vente final de la moto restaurée.

La dépréciation progressive de notre Euro par rapport au Yen japonais et l’augmentation du coût du transport Asie/Europe ont pour conséquence  l’augmentation mois après mois de mes tarifs de vente.

Les pièces non réutilisables sont également triées et réparties en fonction de leur nature en vue de leur récupération. Les huiles, les pneumatiques et les batteries usagées sont déposées en déchetterie.

Une fois l’ensemble de ces tâches effectuées, je récupère les pièces et des sous-ensembles afin de procéder au remontage de la moto. L’assemblage final en lui-même prend environ deux semaines de travail (80 H).

Mise en route, essai routier :
la moto est prête à reprendre la route et démarrer sa nouvelle vie.

Pour 30 ans…